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Conduite à tenir devant une crise d’angoisse aiguë


Introduction

La crise d’angoisse aigue est un état critique où l’angoisse se manifeste de façon brutale, intense et limitée dans le temps.

Il s’agit d’une « peur sans objet apparent légitime, avec sentiment pénible d’attente », la crainte d’un danger imprécis, un sentiment d’insécurité indéfinissable. Elle associe des manifestations psychiques et somatiques (neurovégétatives).

L’angoisse pathologique peut se manifester sous deux formes :

  • Forme aigue : les attaques de panique ou crises aigues d’angoisse.
  • Forme chronique : l’anxiété généralisée.

Les termes anxiété et angoisse sont aujourd’hui utilisés comme synonymes. L’anxiété n’est pas en soi pathologique ; elle le devient par son caractère répétitif, anachronique, invalidante.

Les nouvelles nosologies psychiatriques écartent la théorie psychogénétique de Freud (névrose d’angoisse) au profit de théories biologiques : facteur héréditaire, hypersensibilité à certaines substances anxiogènes (lactate, CO2, caféine…).

La classification américaine des troubles mentaux (DSM IV) distingue :

  • Attaque de panique ;
  • Trouble panique sans agoraphobie ;
  • Trouble panique avec agoraphobie ;
  • Agoraphobie sans antécédent de trouble panique ;
  • Phobie spécifique ;
  • Phobie sociale ;
  • Etat de stress post-traumatique ;
  • Etat de stress aigue ;
  • Anxiété généralisée.

Dans ce cours on va détailler seulement la crise d’angoisse aigue ou attaque de panique.

Epidémiologie

La prévalence sur la vie entière du trouble de panique varie entre 1 et 3% selon les populations et les critères diagnostiques retenus.

Ce trouble est deux à trois fois plus fréquent chez la femme que chez l’homme et s’observe plus souvent chez les sujets jeunes (surtout entre 25-44ans).

Les sujets séparés ou divorcés, ainsi que les sujets de faible niveau socioéducatif, présentent par ailleurs un surcroît de risque pour la survenue d’attaques de panique.

Diagnostic positif

Le début est brutal, survenant souvent sans cause déclenchante apparente, rapidement progressif, ressenti comme un malaise généralisé, atteignant son acmé en moins de 10 minutes.

Le tableau clinique est dominé par des signes somatiques, expliquant le recours exceptionnel au psychiatre en première intention.

La durée de la crise est généralement courte pouvant durer quelques heures chez certains patients.

L’intensité des symptômes décroit ensuite progressivement avec une sensation de soulagement et souvent associée à une asthénie.

On distingue trois ordres de manifestations cliniques durant la crise :

Manifestations somatiques

Elles sont souvent au premier plan, les symptômes thoraciques étant parmi les plus fréquents.

  1. Cardiovasculaires : Tachycardie, palpitations, oppression thoracique, sensations de chaud et froid plus ou moins associées à des troubles vasomoteurs, précordialgies, lipothymie.
  2. Respiratoires : Dyspnée, sensation d’étouffement, de manque d’air, d’étranglement, polypnée.
  3. Digestives : Sensations de spasmes pharyngés, « boule dans la gorge », barre épigastrique, nausée, douleurs abdominales, diarrhée motrice.
  4. Neuromusculaires et sensorielles : Tremblement des extrémités, tensions musculaires, céphalée, paresthésies, vertiges essentiellement rotatoires avec instabilité, flou visuel, bourdonnement d’oreille.
  5. Génito-urinaires : Douleurs abdomino-pelviennes, crise polyurique, cystalgies.
  6. Autres manifestations neurovégétatives : Sueurs, mains moites, sécheresse de la bouche.

Manifestations comportementales

Rares, il s’agit le plus souvent d’agitation motrice (crispation, impossibilité de tenir en place, jusqu’à la crise clastique) et rarement une inhibition motrice (engourdissement de l’activité voir sidération stuporeuse).

Manifestations subjectives

Impression de malaise intense, de catastrophe imminente. Peur de mourir, de s’évanouir, de devenir fou, d’avoir une maladie grave, de perdre le contrôle de son comportement, de commettre des actes incongrus, de ne pouvoir être secouru.

Sentiment de dépersonnalisation ou déréalisation.

NB : Critères diagnostiques de l’attaque de panique selon le DSM-IV

Une attaque de panique ne peut pas être codée en tant que telle. Coder le diagnostic spécifique dans lequel survient l’attaque de panique, trouble panique avec agoraphobie.

Une période bien délimitée de peur ou de malaise intense, dans laquelle au minimum quatre des symptômes suivants sont survenus de façon brutale et ont atteint leur acmé en moins de dix minutes.

  1. Palpitations, battements de cœur ou accélération du rythme cardiaque.
  2. Transpiration.
  3. Tremblements ou secousses musculaires.
  4. Sensation de « souffle coupé » ou impression d’étouffement.
  5. Sensation d’étranglement.
  6. Douleur ou gène thoracique.
  7. Nausée ou gène abdominale.
  8. Sensation de vertige, d’instabilité, de « tête vide », ou impression d’évanouissement.
  9. Déréalisation (sentiment d’irréalité), ou dépersonnalisation (être détaché de soi).
  10. Peur de perdre le contrôle de soi ou de devenir fou.
  11. Peur de mourir.
  12. Paresthésies (sensation d’engourdissement ou de picotement).
  13. Frissons ou bouffées de chaleur.

Etiologies et diagnostic différentiel

Crise d’angoisse secondaire à une pathologie somatique

  1. Urgence médicale : confusion mentale, hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie, hypoglycémie, phéochromocytome, infarctus du myocarde, embolie pulmonaire, trouble du rythme.
  2. Urgence chirurgicale : abdominale, neurologique, vasculaire.
  3. Prise de toxique : amphétamines, cannabis, alcool, caféine, bêta stimulants, théophylline…
  4. Sevrage : alcool, opiacé : barbiturique, benzodiazépine.

Crise d’angoisse entrant dans le cadre d’une affection psychiatrique

  1. Troubles anxieux au long cours : trouble panique, trouble obsessionnel-compulsif, trouble phobique, hystérie, état de stress post-traumatique.
  2. Trouble dépressif de l’humeur : mélancolie anxieuse ; la crise d’angoisse ou raptus favorise le passage à l’acte suicidaire.
  3. Trouble psychotique : schizophrénie, bouffée délirante aiguë.
  4. Anxiété réactionnelle au décours d’une situation conflictuelle.

Conduite à tenir

La crise d’angoisse est souvent sensible à la réassurance médicale. Donc une attitude calme et compréhensive permettant au patient de verbaliser son angoisse, la mise à l’écart d’un entourage trop anxieux, la réalisation d’un examen somatique (pour éliminer une cause organique) aboutissent souvent à une sédation de l’anxiété.

Après sédation de l’angoisse, il faut repérer le diagnostic psychopathologique sous-jacent (névrose ou psychose ? Dépression ou non ?), puis évaluer la personnalité sous-jacente.

Le malade ne nécessite souvent pas d’hospitalisation sauf en cas de :

  • Risque de raptus anxieux avec passage à l’acte suicidaire, notamment dans une mélancolie délirante ; ü
  • Attaque de panique dans le cadre d’un trouble psychotique, l’angoisse se manifeste par un vécu intense de dépersonnalisation et de déréalisation avec souvent une dissociation mentale ;
  • Urgence médicale ou chirurgicale.

Traitement curatif immédiat des crises aigues

Les attaques de panique sont spontanément résolutives. Leur traitement repose sur une attitude apaisante de l’entourage et du médecin, ainsi que l’administration d’anxiolytiques par voie sublinguale ou intramusculaire (lexomil*(bromazépam),1/2 bâtonnet p.o., 25 mg de Tranxène*(clorazépate) p.o. ou IM).La voie intraveineuse est dangereuse, car elle risque d’entraîner une dépression respiratoire.

Traitement de fond

C’est un traitement préventif des attaques de panique. Il repose principalement sur les antidépresseurs. Ceci est démontrée dès les années soixante pour l’imipramine et les IMAO de première génération, l’efficacité des antidépresseurs dans la prévention de la récurrence des attaques de panique a été confirmée pour de nombreux autres produits de cette classe et notamment pour les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS).

  • Les antidépresseurs ayant obtenu en France une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication sont la clomipramine (Anaphranil*), la paroxétine (Déroxat*), le citalopram (Seropram*) et l’escitalopram (Seroplex*). Les ISRS sont souvent utilisés en première intention, les doses efficaces variant entre 20 et 40 mg/j. Pour la clomipramine, les posologies doivent être initialement peu élevées (de l’ordre de 10mg/j) et augmentées très progressivement en raison de la sensibilité de ces patients aux effets indésirables des imipraminiques et de la grande variabilité interindividuelle des doses efficaces (entre 25et 250-300 mg/j). En cas d’efficacité, le traitement de consolidation devra être d’autant plus longtemps poursuivi que le trouble est sévère et ancien. Après 6 à 24 mois de traitement en moyenne, celui-ci pourra être progressivement réduit jusqu’à l’arrêt. Il est cependant des cas nécessitant la poursuite d’une chimiothérapie pendant plusieurs années.
  • Certaines benzodiazépines, telles que l’alprazolam (Xanax*) ont également démontré leur efficacité antipanique, mais ne disposent pas de l’AMM pour la prévention de la récurrence des attaques de panique. En cas de Trouble de panique sévère, elles peuvent cependant être prescrites au début du traitement antidépresseur (3 à 4,5 mg/j d’alprazolam pendant 2 à 3 semaines) afin d’obtenir un effet anxiolytique plus rapide. Dans certains cas, lorsque le trouble s’accompagne d’une forte anxiété anticipatoire ou généralisée, les benzodiazépines pourront constituer un traitement d’appoint utile. Le risque de dépendance étant particulièrement élevé dans cette population, ces cures seront aussi brèves que possible.
  • Les techniques d’abord corporel, comme la relaxation ou l’apprentissage de la respiration contrôlée (thérapies comportementales) donnent également de bons résultats. Plus récemment, les thérapies cognitives ont été proposées dans cette indication. Pour certains, les psychothérapies d’inspiration analytique gardent une place dans le traitement de la névrose d’angoisse. L’apport à long terme de ces différentes approches reste à préciser.

Conclusion

  • La crise d’angoisse aigue est une urgence médicale, le recours au psychiatre est rare au moment de la crise du fait de la prédominance des manifestations somatiques.
  • Il faut toujours éliminer une cause organique.
  • L’attitude calme du médecin permet de juguler la situation.
  • Le traitement de la crise repose sur les anxiolytiques et le traitement de fond fait appel aux antidépresseurs.
  • La TCC joue un rôle important dans la prévention des attaques de panique à côté du traitement médicamenteux.

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